Le mal aimé … « J’ai bien peur, toute ma vie, d’être incompris », voici quelques paroles de la chanson de Cloclo.
Incompris, le mot est lâché, ce mot qui semble si bien caractériser ce que peuvent ressentir les DRH qu’ils soient en poste, en herbe ou en devenir.
Alors oui la période liée à la crise COVID n’est pas des plus simples pour celles et ceux qui occupent la fonction RH. Entre adaptations aux directives parfois très floues de l’administration, gestion des obligations sanitaires dans l’urgence et encadrement des conséquences de la crise économique sur le business et l’emploi, on aurait pu rêver mieux ces 12 derniers mois.
Et pourtant, n’est-ce pas là l’occasion de montrer que la fonction RH est incontournable ? Et qu’il faudra encore plus compter sur elle dans les années à venir ?
Mais au fait, d’où vient la fonction RH ?
C’est en 1880 que les premiers services du personnel apparaissent dans les grandes usines. À cette époque, leur rôle se cantonne au recrutement et à l’affectation des ouvriers. À la suite des grèves de 1906, le poste de responsable de recrutement est créé dans un grand nombre d’usines. Ironie de l’histoire, leur job consiste surtout à veiller à ne pas embaucher d’ouvriers politiquement engagés.
La généralisation des services du personnel dans toutes les grandes entreprises intervient après la première guerre mondiale pour faire face à la pénurie de main d’œuvre, aux difficultés à embaucher et à la fidélisation des salariés.
Les services du personnel commencent à se frotter aux relations sociales lors de l’arrivée au pouvoir du front populaire en 1936. Par exemple, Renault créé en juillet 1936, une direction de la main d’œuvre et des Relations Syndicales.
Après la seconde guerre mondiale, les services s’étoffent et se diversifient pour devenir des « fonctions du personnel ». Les responsables du personnel voient alors le jour.
De la fonction « personnel » vers la fonction « Ressources Humaines »
C’est dans les années 80 que le glissement vers la fonction RH se fait afin de marquer le passage vers une nouvelle ère dans laquelle la manière de recruter, de faire évoluer, de former ou encore de rémunérer sera différente.
Dès les années 90, les entreprises constatent que leurs ressources tant techniques qu’humaines peuvent être un critère différenciant dans leur stratégie face à leurs concurrents. C’est alors que la fonction RH prend place à la table des comités de Direction et contribue pleinement à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise.
Depuis 20 ans, l’innovation est au cœur du développement des entreprises quel que soit le domaine d’activité. Les compétences des collaborateurs sont donc au centre de toutes les préoccupations. La fonction RH est désormais devenue un acteur clé qui identifie et développe le capital humain de l’entreprise et contribue ainsi directement aux résultats de l’entreprise. Recruter les talents, les former, les faire évoluer pour mieux les fidéliser, voilà ce à quoi toute Direction des Ressources Humaines travaille. La marque employeur, qui revêt la notion de réputation de l’entreprise, ses valeurs, son organisation, sa communication etc… étant devenue le Saint Graal pour attirer les talents et conforter les clients (cf notre article « Marque Employeur : Attention au RH Washing … »).
Aujourd’hui, la fonction RH est donc au centre de l’engagement des collaborateurs et des résultats de l’entreprise. Certes, il y a bien encore quelques grincheux qui glissent à la machine à café que les RH ne sont « qu’un centre de coût ». C’est d’ailleurs cette même machine à café qui, il y a quelques années, nous montrait « Jean-Guy » célèbre DRH cynique et détestable dans la série Caméra Café, à croire que la fonction RH préfère le thé…
Heureusement la fonction semble avoir évité l’épineux virage du Chief Happiness Officer, je n’ai rien contre celles et ceux qui veulent mettre du plaisir dans les bureaux mais le bonheur mis à toutes les sauces en perd souvent de sa saveur. D’ailleurs, le rôle de l’entreprise est-il de rendre les gens heureux ?
Alors que vivent les DRH aujourd’hui ?
Les DRH sont en premier lieu confrontés au code du travail qui ne cesse d’évoluer et de se complexifier. A chaque élection présidentielle, on nous ressort la sempiternelle simplification du petit livre rouge. Pour mémoire, Michel SAPIN alors Ministre du Travail et interviewé sur ses propositions pour réduire la taille du code du travail avait répondu « Il n’y a qu’à l’écrire en plus petits caractères… ». À croire qu’il était coaché par Jean-Guy le cynique…
Plus sérieusement, que trouve-t-on dans l’environnement des DRH de nos jours ?
– Des contraintes légales qui ne cessent de se renforcer voir de se complexifier
– Des inspections du travail parfois colorées selon les syndicats avec lesquels elles ont des accointances, voir même auxquels elles appartiennent
– Des Managers qui ont parfois un courage très relatif et qui trop souvent se défaussent sur les RH (« je voulais te donner une augmentation plus importante mais la RH n’a pas voulu »)
– Une Direction Générale qui, dans le contexte économique, pilote à coups de stop & go et qui, entre ordre et contre ordre, demande de faire puis de défaire
– Des collaborateurs qui veulent qu’on les aime et surtout qu’on le leur montre
… il y avait déjà de quoi y perdre son latin.
Et il y a eu le pangolin …
Et puis, loin, très loin, au pays du soleil levant un pangolin a fait des siennes… Très vite les bourses se sont effondrées, les devantures ont fermé, les avions sont restés au sol et nous n’avons eu que nos masques et nos applaudissements pour nous protéger.
Cette crise sanitaire pourrait déboucher sur une crise économique voir même sociale, les braises de la crise née des Gilets jaunes étant encore chaudes, une petite allumette suffirait à les rallumer. Si la crise économique est encore hypothétique, la crise psychologique est déjà là (enquête Malakoff Humanis : les arrêts maladie pour troubles psychologiques ont été multipliés par deux entre la période des grèves de 2019 et la fin du 1er confinement de 2020)
Même si nous continuons de sourire sous nos masques, il est fort probable que jamais demain n’aura été aussi incertain.
Et le DRH lui qu’a-t-il fait dans tout ça ? Comme souvent, il a continué de faire son travail, pour négocier, adapter, rassurer, encadrer… il a aussi dû veiller à ce que les salariés puissent continuer de travailler, de chez eux ou d’ailleurs, et surtout il s’est battu pour que les collaborateurs continuent d’être payés et bénéficient des aides de l’État. Et cette fois-ci, à la différence peut-être des autres fois, les résultats de son travail ont été très rapidement perçus par les collaborateurs.
Merci enfin !!
Toute crise est un révélateur, celle-ci n’échappera pas à la règle et les meilleurs montreront leur savoir-faire et leur savoir-être. Ils ou elles se révèleront ainsi aux yeux des équipes, des Managers et des dirigeants. Et rien que pour ça, ces acteurs RH de l’ombre pourront dire merci à cette crise.
Je crois en un avenir radieux pour la fonction RH, l’engagement des collaborateurs et l’attachement des clients auprès des marques socialement et sociétalement vertueuses étant autant d’atouts qui plaident en faveur de l’importance et de la légitimité de la fonction. Les 70% de DRH qui se disent épuisés ne le sont pas pour rien, c’est aussi la conséquence de tout le travail accompli.
N’en déplaise à certains.
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